Instinct maternel : biologie ou conditionnement social?
En abordant le sujet de l’instinct maternel, il est impossible de ne pas parler de création. Ceux qui me connaissent de près savent pertinemment que je crois beaucoup plus à la théorie de l’évolution de Darwin qu’à la théorie du créationnisme. En fait, selon moi le créationnisme est une légende et non pas une théorie, un courant ou même une philosophie, car il ne s’appuie sur absolument rien de tangible, mais ça, c’est une autre affaire – revenons!
Donc, je disais que Darwin et ses études j’embarque, mais je bogue quelque peu lorsqu’il affirme que la nature aurait assigné aux femmes un rôle de pondeuses à la dévotion absolue à leurs enfants. C’est qu’il était quelque peu misogyne ce Darwin! 😉
Vous savez, il y a très longtemps, au Moyen-âge, les mères étaient très loin du modèle maternel qu’on connaît aujourd’hui. À cette époque, il y avait énormément d’enfants délaissés, meurtris et tués parce qu’ils n’étaient pas considérés comme étant des êtres humains à part entière. Les hommes autant que les femmes ne leur portaient pas beaucoup d’attention et d’intérêt, même qu’ils étaient rebutés par leurs cris, leur saleté et leur infirmité. Plusieurs érudits de littérature ancienne (tel mon p’tit Sébastien adoré!) pourront confirmer que les mères d’autrefois pouvaient se révéler être très froides et brutales. Jacques-Bénigne Bossuet, évêque et écrivain français du XVIIe siècle, voyait dans la petite enfance l’image de notre triste condition humaine et avait même déclaré : « L’enfance est la vie d’une bête ». Pas très réjouissant tout ça, non?!
Étrangement, à cette époque, le rôle du père et de la mère était très similaire. On n’attribuait pas aux femmes un rôle de sein ambulant et aux hommes, un rôle d’accompagnant occasionnel. Malgré le fait qu’on croit que le passé regorge d’injustices sexistes, il n’en demeure pas moins que c’est nos sociétés modernes qui en révèlent davantage. Ce n’est que plus tard, au début du XIXe siècle que les femmes se sont vues octroyer un rôle de mère nourricière complètement dévouée à leurs enfants. Les gouvernements, voulant cesser les infanticides, les abandons de masse et l’errance infantile, ont trouvé un excellent moyen de pression sociale pour que le sexe faible prenne en charge les enfants : l’Instinct Maternel!
Loin de moi l’idée de vouloir paraître frustrée ou d’être accusée de misandrie (je sors mes mots à 100 piastres), mais l’histoire démontre que ce sont les hommes qui ont trouvé cela plus pratique d’enfermer les femmes dans un rôle de mère plutôt que dans un rôle de simple génitrice au même titre qu’eux. On ne peut leur en vouloir, car qui aime vraiment ça laver des couches et entendre un bébé pleurer? C’est la construction sociale dans laquelle nous vivons qui nous culpabilise de trouver la maternité ennuyante et plutôt sale disons-le! Que ce soit fait par amour, par générosité chrétienne ou par la plus pure des compassions humaines, c’est plate rare et c’est éreintant de s’occuper quotidiennement d’un enfant. Alors quoi de plus normal que de ne pas vouloir de ce rôle et tenter de le refiler à la voisine?!
Ok, ok, l’histoire démontre peut-être que les femmes d’autrefois n’agissaient pas de la même façon en tant que mère et que la construction sociale n’encourageait pas vraiment l’amour maternel, mais est-ce que cela constitue une preuve solide que l’instinct maternel n’existe pas? Pas sûr…
.
Vous avez déjà entendu parler de l’ocytocine? L’ocytocine est une hormone qui est sécrétée lorsque les femmes accouchent, lorsqu’elles sont amoureuses, lorsqu’elles sont excitées sexuellement et lorsqu’elles allaitent. Cette hormone est au cœur même du débat sur l’existence de l’instinct maternel, car les scientifiques tentent de démontrer qu’elle déclenche le comportement maternel et qu’elle accentue le lien d’attachement avec l’enfant. Les adeptes du naturalisme qui défendent le concept d’instinct maternel, font l’éloge de cette hormone et y assoient leurs études et leurs points de vue. Mais, aucune étude sur l’ocytocine n’est vraiment concluante… Elles n’ont été menées que sur des rates et des primates et les quelques études effectuées sur des femmes souffrent de biais méthodologiques et ne sont basées que sur l’observation de corrélations qui peuvent facilement être expliquées autrement. Malgré cela, on ne peut nier l’existence de l’ocytocine et ces effets sur le comportement des femmes.
Hummm…
Croyez-vous que l’ocytocine aurait le même impact dans une société où le rôle de la mère est construit de façon différente? Lui donnerait-on autant d’importance? Je crois que face à une question aussi importante, il faut prendre en considération autant les éléments biologiques que les éléments anthropologiques, sinon on réduit l’être humain à n’être qu’une machine qui ne fait qu’obéir à ses influx hormonaux. Ce qui nous sépare de la bête, ce n’est pas justement toute la dimension psychique et intellectuelle dont on est dotée?
Si on se fie à l’hypothèse que l’instinct maternel n’existe pas, que c’est uniquement une construction sociale conservatrice, alors elle peut avoir des effets pervers extrêmement nocifs pour les femmes. Pour avoir discuté avec plusieurs mères de leur rôle et de la maternité, je peux affirmer que c’est loin d’être un sentiment aussi inné qu’on ne nous le laisse croire. Beaucoup de mères sont dépourvues de cet attachement viscéral avec leurs enfants, elles ne ressentent pas cette.
.
dévotion tant espérée… Comment ces femmes se sentent-elles, d’après vous, de ne pas ressentir ce lien maternel? Le fait de présenter comme étant inné et naturel l’attachement avec l’enfant peut générer de l’angoisse auprès des femmes qui ne le sentent pas, elles peuvent éprouver un sentiment d’incompétence comme mère alors que ce n’est peut-être pas le cas. Le « baby blues » découle peut-être du fait que la construction sociale actuelle nous dicte qu’on doit absolument ressentir une association symbiotique inconditionnelle avec notre bébé alors qu’on ne sent que dalle, qui sait?…
Et si, au contraire, on se fie à l’hypothèse que l’instinct maternel existe, qu’il est inné chez toutes les femmes, alors il serait dommage de le nier… En tant que femme libérée et en tant que féministe, on peut parfois être aveuglée par les injustices sexistes qu’on subit et passer à côté de la beauté de la nature. Biologiquement, les hommes et les femmes sont différents, donc il doit bien y avoir des influences corporelles et émotives qui en découlent et ce, sous d’innombrables formes, non? Notre excès de rationalité et le fait d’élever la science au rang de vérité ultime, nous empêche de considérer l’inexplicable et cela biaise notre jugement.
Lorsqu’on observe la force de la nature, le changement des femmes devenant mères, la puissance de l’amour maternel, on ne peut s’empêcher de se dire que l’instinct maternel, c’est inscrit dans nos gènes… Or, quand on observe les faits historiques et scientifiques, on ne peut s’empêcher de se dire que l’instinct maternel, ce n’est peut-être pas si inné que ça finalement.
Et vous, de quel côté penchez-vous?
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
Laisser un commentaire